Le Huffington Post lance une campagne publicitaire. L’image d’un jeune manifestant en colère est un cliché habituel de ce que peut-être l’actualité, l’intrusion d’une problématique dans le champ public. Si cette intrusion est violente alors les médias s’en emparent avec d’autant plus de délectation qu’elle est de l’ordre du spectaculaire, qu’elle frise la mise en scène des représentations d’affrontement politique le « poing levé », le « drapeau », la « manif », la « vitre brisée »… Cela mobilise des sentiments contradictoires comme la révolte et la peur, l’empathie ou l’antipathie… Assez vite on a une vision binaire de l’événement : « pour » ou « contre ». La plupart des médias ne sont plus là pour tenter de comprendre, d’analyser et nous aider à faire des choix mais à nous parquer dans un camp ou dans un autre avec un sondage à la clé. Nous ne sommes plus non plus au temps de la lutte des classes, il existe encore des camps qui s’affrontent pour le pouvoir mais pas pour son changement. La démocratie est fatiguée car elle est présentée comme l’ultime système indépassable comme une messe en latin que personne ne comprend et à laquelle il faut croire.
Sur le marché de la captation de l’attention, le Huffington Post est un nouvel arrivant mais ce n’est pas pour autant qu’il nous proposera quelque chose de différent, bien au contraire.
Ce qu’il faut c’est de la nouveauté qui ne remette rien en question. La plupart des journalistes ne travaillant plus qu’au brouillage des sphères médiatiques, politiques, industrielles… par copinages, renvoies d’ascenseurs, mariages sont obligé de faire appel au « citoyen » pour tenter de faire émerger la nouveauté qu’ils sont désormais incapables de percevoir. On pourrait alors croire que l’on pourrait ainsi apporter de nouveaux sujets de préoccupations mais il n’en est rien, il s’agit plutôt de rester dans l’émotion, d’accroitre le sentiment d’ubiquité afin de ne rien manquer de spectaculaire. Les autres sujets qui auraient demandé du temps demeureront toujours dans l’ombre tant qu’ils ne se manifesteront pas par la violence.
Quand une révolte arrive, elle n’est que l’expression subite d’une autre problématique, de quelque chose qui a longtemps couvé car considéré par les distributeurs de paroles comme n’ayant pas une importance suffisante pour être écoutée et discutée.
Alors une fois cette révolte dans la rue, il faut gérer celle-ci selon différentes méthodes. On peut commencer par la minimiser (« c’est une minorité », donc illégitime car non-majoritaire), par la dépolitiser (« ce sont des casseurs », alors que la violence est parfois le dernier mode d’expression face à l’étouffement), on infantilise (« ils posent mal le débat, qu’ils commencent par savoir ce qu’ils veulent »), on en appelle à la raison (« il faut être raisonnable », même si des gens meurent de la situation et que depuis des années différents groupes tentaient d’alerter le pouvoir en place).
Mais le Huffington Post fait mieux, plus « jeune » (parce que là « jeune » veut dire « con »), plus moderne, c’est dans sa manière de traiter l’information « avec » le citoyen désormais consommateur.
Il ne demande pas, après présentation de la situation si l’on ne pourrait pas réfléchir collectivement à une solution acceptable par tous mais s’il est bien nécessaire d’ouvrir le débat ou non. À la violence qui fut nécessaire pour tenter de faire entrer un débat de fond dans la sphère publique, il répond par une violence de forme : « ouvrir » ou « fermer ».
On comprend bien que si l’on clique (comme on répond à un sondage) sur « fermer », la fenêtre en pop-up disparaitra et le manifestant fermera sa gueule.
Voilà, c’est cool, moderne, mâtiné de nouvelle technologie mais c’est toujours au service du contrôle du système et le Huffington Post compte bien en faire pleinement partie.
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