Ou comment apprendre à transformer les rapports humains en rapports marchands.
Les images d’Epinal trouvent leurs origines dans l’imagerie, art populaire né au XV° siècle principalement destiné au public illettré des campagnes. L’expression « image d’Épinal » désigne une vision emphatique, traditionnelle et naïve, qui ne montre que le bon côté des choses.
La gratuité n’est pas une bonne chose, cela interfère avec les lois du marché et perturbe la main invisible. Il faut apprendre très tôt à privatiser l’intimité.
Fini les cadeaux d’enfants (dessins, pétales de fleurs trouvés par terre, cailloux…), il faut des cadeaux achetés :
– des cadeaux normés, c’est à dire, qui coorespondent à ce qu’est une mère pour un publicitaire : une mère est une femme tendre qui négocie son affection en se faisant offrir des cadeaux par son mari et ses enfants. En contrepartie, elle doit être séduisante et valorisante. Il lui faut des trucs qui lui sont indissociablement attachés comme du parfum, de la lingerie, du maquillage… Dans d’autres situations ce sera un robot ménager, une poudre à laver…
– des cadeaux achetés. La vraie valeur de l’amour se mesure par le prix que l’on investi dans l’objet que l’on offre.
L’enfant apprend les lois de l’offre et de la demande en proposant un acte de tendresse contre un parfum : « [en] échange[ant un] câlin contre [un] parfum ! »
La mère n’aime plus l’enfant pour lui-même mais pour le renforcement de son égo de femme-objet. L’une apprend à payer pour avoir la tendresse dont elle a besoin, l’autre apprend à être payé pour donner une marque d’amour.
La mère et l’enfant nous regardent. Ils ne partagent pas un moment de tendresse ensemble dans l’intimité mais nous invitent à suivre leur exemple en pratiquant le même acte social qu’eux : prendre prétexte de la fête des mères pour aller consommer sur le chemin du bonheur conforme.